Endométriose, la douleur intérieure

Je me souviens bien du moment où, quelques heures après mon hystérectomie et ovariectomie, ma gynécologue est venue me voir pour me dire que mon opération s’était bien déroulée.  Je me souviens encore plus précisément du moment où elle a prononcé le mot ENDOMÉTRIOSE.  Le mot était dit.  Les tissus coupables de mes douleurs menstruelles ont été trouvés et sectionnés en même temps que mon utérus et mes ovaires.  Cela faisait près de 25 ans que je suspectais en souffrir.  Mais c’est la première fois qu’on me le confirmait. ENFIN.

J’avais 13 ans que j’ai été assaillie par mes premières douleurs menstruelles.  Dès le début, elles ont été pour moi insupportables.  Insupportables comme dans « je suis pliée en deux/ne me parlez pas/ne me demandez rien/donnez-moi un calmant/ne vous approchez surtout pas/je vais mourir/je n’en peux plus/comment voulez-vous que je me rende au travail quand je ne peux même pas me redresser/je veux de la MORPHINE!!!

Quand l’on vit avec des règles menstruelles douloureuses, notre vie, notre souffle, nos autres besoins essentiels, TOUT s’arrête. Tout se fige, le temps que la crampe passe. Puis, on a à peine le temps de reprendre notre souffle que la prochaine crampe nous prend d’assaut, tel un tsunami qui ravage tout sur son passage.

Je parle de « crampes menstruelles » mais je pense que la définition  « sentiment d’être poignardée à répétition dans le bas du ventre et du dos » serait plus adéquate.  Moi qui ai eu de fortes contractions pendant 27 heures – oui, 27 heures ! – lors de mon accouchement, je peux vous affirmer que l’intensité de celles-ci ont eu peine à compétitionner avec les crampes menstruelles qui m’ont assaillie tous les mois depuis mes toutes premières règles. 

J’ai tellement eu mal, que la douleur menstruelle, même si maintenant absente de ma vie, reste encore gravée dans ma psyché.  La vue d’une serviette sanitaire peut me replonger dans l’état dans lequel je me suis si souvent retrouvée.  Les douleurs menstruelles, associées au TDPM,  m’ont empêchée de sortir, de travailler, de faire l’amour, de manger, de me laver, de m’occuper de ma fille, de m’habiller, de parler au téléphone, de me rendre à un rendez-vous, de socialiser, de manger en famille, de porter attention à ceux que j’aime.  Année après année, j’ai appris à adapter mon agenda autour de mes cycles menstruels.  Mon chum  a trouvé le mot parfait pour décrire mon mode de vie. Celui de sous-marin. 




 Tel un sous-marin, mois après mois, j’ai dû apprendre à m’immerger, à disparaitre, de sorte à me protéger des exigences du monde extérieur, pour mieux remonter à la surface lorsque rétablie. 

 

Si l’on estime que j’ai souffert de crampes menstruelles débilitantes – au point où les médicaments ne faisaient pas effet – un minimum de 48 heures par mois x 12 mois x 29 ans, ça veut dire j’ai passé près de 16 704 heures à ne pouvoir faire autre chose que de combattre un mal indomptable. Au final, c’est beaucoup de perte de temps, et de souffrance, me semble-t-il. 

 J’ai bien sûr longtemps suspecté que je souffrais d’endométriose. Les crampes menstruelles douloureuses étant l’un des principaux symptômes de cette condition. Mais parce qu’aucun médecin n’a privilégié l’intervention nécessaire pour établir un diagnostic officiel, il m’a fallu attendre mon hystérectomie et ovariectomie pour le confirmer.  Je ne peux en vouloir aux médecins. Le diagnostic officiel de  l’endométriose se faisant par le biais d’une laparoscopie  –   incision par laquelle on insère une petite caméra pour voir vos organes et par laquelle on procède à un prélèvement de tissus – il est normal qu’ils aient privilégié, avant tout,  le soulagement de la douleur plutôt que ce type d’intervention, nécessitant une anesthésie générale. 

Mais j’aurais probablement aimé savoir. Être au courant de ce qui me faisait tant souffrir. J’ai, depuis, acquis beaucoup plus de connaissances sur l’endométriose et je suis encore étonnée de voir à quel point on en parle peu. Il me semble nécessaire que l’on ouvre la discussion sur cette condition qui affecte tant de femmes. 

Endo…quoi ? Endométriose

L’endométriose est une maladie qui se caractérise par la présence d’un tissu, similaire à celui qui recouvre la paroi utérine (endomètre), mais qui se développe hors de l’utérus.  Ce tissu peut se propager sur les ovaires, les trompes de Fallope, les ligaments soutenant l’utérus ou encore sur la surface de l’utérus.  On peut aussi en retrouver, dans les cas les plus rares, sur la vessie, l’intestin, les reins, le rectum et dans les cas plus graves, sur les poumons, dans les bras ou les cuisses.

Ce tissu réagit aux cycles menstruels, exactement comme le fait l’endomètre. C’est à dire que chaque mois, il s’épaissit, se décompose et se détache. Le souci c’est que contrairement à l’endomètre qui est expulsé par le vagin sous forme de sang menstruel, le tissu qui s’est formé à l’extérieur de l’utérus, n’a, lui, aucun moyen de quitter le corps. Ce qui peut provoquer de l’inflammation, des adhérences, des crampes douloureuses et des problèmes d’infertilité.

Quelques faits 

  • 1 femme sur 10 serait atteinte d’endométriose

  • Le délai de diagnostic serait de 7 à 9 ans

  • Les femmes atteintes verraient en moyenne 5 à 7 médecins avant de recevoir un diagnostic

  • Le symptôme le plus courant de l’endométriose serait la douleur (selon les études, on la retrouverait chez  50 à 91 % des femmes atteintes)

 

Les symptômes

  • douleur et crampes pendant les menstruations

  • douleurs pelviennes en dehors du cycle menstruel

  • douleurs durant les relations sexuelles

  • brûlures urinaires

  • douleurs pendant le défécation

  • troubles digestifs

  • infertilité (autour de 40% des femmes atteintes)

  • fatigue chronique

  • sensation de malaise général

Les traitements

Infos générales

Il n’existe encore aucun traitement définitif ou spécifique à l’endométriose
Les traitements proposés par la médecine aident principalement à soulager la douleur.
Il est possible que vous ayez à essayer plusieurs traitements avant de trouver celui qui vous convient.
Il est important d’être suivie par unE docteurE spécialisée.
La combinaison des méthodes « naturelles » avec les  traitements pharmacologiques peut être une voie intéressante.

Naturels

  • La pratique du yoga (postures et respiration) peut aider à soulager les douleurs associées à l’endométriose.

  • Activité physique (évite la rigidification des tissus, permet la libération de l’endorphine et combat le stress).  

  • Utilisation d‘huiles essentielles, diluées dans une huile végétale. Exemple, l’estragon (Artemisia dracunculus) qui a des propriétés antispasmodiques et anti-inflammatoires

  • Cataplasmes d’huile de ricin

  • Ostéopathie

  • Alimentation anti-inflammatoire

Pharmacologiques

  • Anti-inflammatoires non stéroïdiens

  • Contraceptifs oraux combinés en continu

  • Traitements progestatifs, pilule, injection ou stérilet

  • Agonistes de la GnRH*, injection ou vaporisation nasale, avec ou sans traitement hormonal  substitutif

  • Antagonistes de la GnRH*

*suscite une ménopause artificielle

 Chirurgicaux

  • Opération dite conservatrice, élimination ou retrait des excroissances endométriales et des adhérences, tout en conservant l’utérus et les ovaires. Généralement par laparoscopie.

  • Opération dite radicale, ablation de l’utérus et des ovaires. Réservée au cas extrêmes et comme dernier recours.

 Pour plus de détails concernant les traitements : https://www.yourperiod.ca/fr/endometriosis/how-is-endometriosis-treated/

 

Mes Observations et Apprentissages 

Ne jamais baisser les bras. Vous avez le droit, et surtout, vous méritez un médecin qui vous écoute ET vous entende. Vous aurez parfois à être insistante auprès des professionnels de la santé. 

Note sur l’infertilité. Pour celles qui suspectent souffrir d’endométriose, ou qui viennent d’en recevoir le diagnostic, l’infertilité peut être perçue comme le symptômes le plus « épeurant ».

Je sais, cependant, qu’il faut aussi garder espoir et ne pas systématiquement associer endométriose et infertilité. Toutes les femmes atteintes d’endométriose ne sont pas concernées. Si je m’étais fié aux statistiques et surtout, aux opinions de certains médecins, j’aurais rapidement été désespérée. Je ne nie cependant pas la difficulté que cela représente pour un grand nombre de femmes (30 à 40 % seraient affectées) et le fait que celles-ci auront possiblement besoin de recourir aux techniques d’assistance médicale à la procréation. Je suis de tout coeur avec vous. 

Problèmes gastriques et endométriose. J’ai commencé, il y a près d’une décennie,  à souffrir de gastrites (inflammation et douleur aiguë au niveau de l’estomac, nausée, mal de tête, perte d’appétit, etc.) à chaque période prémenstruelle. J’ai été suivie par un gastroentérologue et nous avons éliminé, au fur et à mesure, les hypothèses pouvant expliquer ces symptômes. Mais les gastrites revenaient mois après mois. J’ai commencé à suspecter alors que mes douleurs gastriques provenaient de lésions d’endométriose autour de mon estomac. Depuis que j’ai été opérée et mise en ménopause chirurgicale, je constate que je développe des gastrites lorsque je change ma « patch » d’oestrogène. C’est l’un des seuls symptômes liés à mon cycle menstruel qui persiste depuis mon opération. Est-il possible que j’aie effectivement des cellules d’endométriose autour de l’estomac, cellules qui s’activent lorsque je renouvelle ma prise d’oestrogène ? C’est une hypothèse à étudier. 

Prendre soin de soi. Comme pour le TDPM, j’ai dû apprendre à être douce avec moi même et à apprivoiser cette condition. L’endométriose peut facilement devenir envahissante et nous plonger dans des états de désespoir, de colère et de tristesse. Il est important de pouvoir nommer et accepter ces émotions.  Elles sont normales. Ce n’est pas parce que la condition qui nous affecte est encore taboue ou méconnue, qu’elle n’est pas réelle, et parfois dévastatrice. Il est parfaitement légitime de vivre ces émotions et de trouver des moyens pour apaiser ses douleurs ou aménager votre quotidien. 

Savoir s’entourer. Des bonnes personnes. Il existe de plus en plus de groupes de soutien et de ressources sur l’endométriose. Il peut être salvateur de s’entourer de personnes qui vivent les mêmes souffrances et défis. Ces ressources peuvent aussi vous guider vers des avenues auxquelles vous n’aviez pas pensé. En voici quelques-unes:

Facebook
Soutien Endométriose Québec

Endométriose en essai bébé

Mieux vivre avec l’endométriose 

Endométriose mon combat notre combat 

Sites web

Endométriose Québec

Endo France 

Instagram
Endometriosisgirl
Mon_endometriose_endogirl
Superendogirl
Chere.endometriose 





Sarah Rodrigue

Pour tout savoir sur le Trouble dysphorique prémenstruel et les hormones.

Précédent
Précédent

On ne parlera pas que d’hormones

Suivant
Suivant

Chronique Le jour où je suis allée voir un guérisseur (partie 2)