Trouble Dysphorique prémenstruel. Un diagnostic de maladie mentale, vraiment ?

Je connais les dangers entourant la psychiatrisation de la santé de la femme.  En tant que féministe, je peux difficilement ignorer tous les abus, historiques et persistants, qui découlent de cette tendance à psychiatriser notre réalité hormonale, et plus généralement, notre santé mentale.  De façon générale, je pense que l’on psychiatrise, catégorise, étiquette, compartimente, trop vite, trop souvent, trop facilement la souffrance, particulièrement celle des femmes.  Une amie, étudiante au baccalauréat en psychologie, partageait avec moi récemment son constat face à cette urgence à toujours vouloir étiqueter et diagnostiquer les souffrances, au détriment de l’écoute, l’accueil et la compréhension plus globale de “ce qui fait mal”. Je suis de son avis.

Le Trouble dysphorique prémenstruel, selon les psychiatres.

Or, je me retrouve souvent dans un état d’ambivalence.  Car au-delà, de mes considérations plus philosophiques à ce sujet, je scande à qui veut bien l’entendre, tous les bienfaits que le fait de recevoir le diagnostic psychiatrique du Trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) a eu sur moi.  Ce trouble, qui s’apparente à une forme sévère du syndrome prémenstruel, est en effet reconnu comme étant un trouble de santé mentale (trouble de l’humeur) par LA bible psychiatrique - parfois controversée - nommé le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).

C’est donc dire que de souffrir d’une forme sévère du SPM constituerait un problème de santé mentale.

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Me voilà donc toujours coincée entre mon envie d’embrasser les psychiatres du monde entier pour les remercier d’avoir posé sur papier le diagnostic du TDPM, et celle de crier sur les toits qu’il faut cesser de pyschiatriser les femmes.
— Sarah Rodrigue

Et donc comment me réconcilier avec mon désir d’encourager les personnes, qui souffrent comme moi, à obtenir un diagnostic de TDPM ?  Suis-je en train de leur dire qu’il faut un papier du médecin pour “valider” leurs maux ?  Suis-je en train de participer à la psychiatrisation de notre réalité hormonale, en les encourageant à obtenir un diagnostic de TDPM ?  Suis-je en train de dire que nous souffrons donc d’une maladie mentale ?

Et puis, mes pensées reprennent de plus belle.  Et si je tente de leur dire qu’il ne s’agit pas vraiment d’une maladie mentale, suis-je entrain de dire que le fait de souffrir de santé mentale devrait être honteux ?

Bref, difficile de s’en sortir.  Pour moi.  Pour vous.  Pour toute femme qui souffre et qui ne sait plus vers qui/quoi se tourner.


Se réconcilier avec son diagnostic…même si on pense que ce n’est pas psychiatrique.

Je vous prends donc à partie et je tente ici de faire le point sur la situation et sur mes propres réflexions à ce sujet - parfois contradictoires, j’en conviens !  Peut-être que celles-ci peuvent aussi vous aider à vous réconcilier avec votre diagnostic.  Je rappelle que je ne suis ni médecin, ni une professionnelle de la santé et qu’il s’agit ici seulement de mes opinions personnelles, associées à mon expérience de 27 ans avec un TDPM et endométriose ;-)

  • Je suis très reconnaissante que le TDPM ait été reconnu dans un livre médical. Peu importe le type de livre. Il m’a fallu près de 20 ans pour qu’un médecin - une psychiatre dans ce cas - m’offre une explication - logique et rationnelle - aux souffrances qui engloutissaient ma vie tous les mois, depuis mes toutes premières règles.  Dans mon cas, le fait de savoir que mes maux pouvaient être expliqués - même si, on s’entend, rien n’est encore très clair !! - par une réaction chimique dans mon cerveau, m’a enlevé un poids immense des épaules.  Ce diagnostic a été libérateur.  Pour moi.  Et pour beaucoup d’entre nous.

  • Il est tout à fait possible que vous ne ressentiez pas le besoin de recevoir un diagnostic.  Et c’est tout à fait correct.  Rien ne vous y oblige.  Votre souffrance est réelle et valide, peu importe ce que dit le médecin.

  • Je suis en désaccord avec le fait que le TDPM soit reconnu étant un trouble de l’humeur.  Non pas parce qu’il y a quelque chose de “mal” à souffrir de santé mentale, mais parce que je pense qu’en confinant le TDPM à la psychiatrie, on tend à s’enfermer dans une logique à savoir, vouloir traiter les symptômes à l’aide d’antidépresseurs - qui sont certes souvent nécessaires et salvateurs - sans chercher à comprendre les causes réelles du TDPM.  En bref, je pense que si les symptômes du TDPM sont effectivement d’ordre psychologique et psychiatrique, je crois que ses causes, et éventuellement son traitement, se trouvent ailleurs.  Quoique j’imagine que l’on pourrait penser la même chose de plusieurs troubles dits de santé mentale.

  • Il est grand temps que la gynécologie et l’endocrinologie se mettent au travail et appuient des initiatives de recherche pour mieux comprendre le TDPM, et plus largement toutes les douleurs, physiques et psychologiques, associées à notre cycle menstruel.

  • Ceci dit, le fait que l’on puisse maintenant s’appuyer sur un diagnostic officiel est déjà un pas dans le bon sens.  En bref, je pense que le discours qui tend à vouloir bannir toute forme de “médicalisation” du cycle menstruel est aussi dangereux.  Pour être plus claire, il existe des formes de pathologies liées au cycle menstruel (TDPM, endométriose, etc.) dont les symptômes sont si sévères qu’il est nécessaire de les considérer avec sérieux, et soutien médical.

  • Pour celles à qui un diagnostic peut faire du bien, je vous recommande d’avoir en mains la définition du Trouble dysphorique prémenstruel (voir l’encadré) lorsque vous vous présentez devant votre médecin.  Plusieurs de ceux-ci (médecins de famille, gynécologues, psychiatres, etc.) ne sont pas au fait du TDPM. Vous augmentez donc vos chances d’être prises au sérieux si vous arrivez avec de la documentation à ce sujet.

  • Le fait de recevoir un diagnostic de TDPM n’est pas toujours facile à vivre. Bien qu’il puisse vous offrir un certain soulagement - ahhh je ne suis donc pas folle ! - il est possible que vous viviez ensuite plusieurs émotions : colère, sentiment d’impuissance, tristesse, peur, etc. Et c’est normal.

  • Les témoignages sur le sujet du TDPM commencent à affluer sur les réseaux sociaux.  Et c’est tant mieux.  La libération de la parole est une étape essentielle vers la “guérison”, et je l’espère, vers une meilleure compréhension et prise en charge de la santé hormonale des femmes.  Cependant, restez attentives pour ne pas tomber dans le jeu de la “comparaison”.  Par exemple, il est possible que tel ou tel traitement n’ait pas été efficace pour vous, comme ce fut le cas pour une autre.  Certaines trouvent du soulagement avec la pilule contraceptive.  D’autres, avec l’homéopathie.  D’autres avec des injections comme le Lupron.  D’autres avec l’acupuncture.  D’autres, avec tout cela à la fois.  Le chemin vers le soulagement des symptômes du TDPM est unique.  Et surtout, rappelez-vous que rien de cette condition n’est de votre faute.  C’est important de le comprendre et de ne pas vous blâmez si telle ou telle “méthode” n’a pas fonctionné pour vous.  Le TDPM est complexe et interagit avec beaucoup de facteurs.  Bref, restez douces envers vous-même.






Sarah Rodrigue

Pour tout savoir sur le Trouble dysphorique prémenstruel et les hormones.

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