Bye bye utérus et ovaires, merci et bon débarras !
Je suis ménopausée. Dans mon cas, ce n’est cependant pas le fruit d’un processus naturel – pendant lequel mes ovaires auraient progressivement cessé de fonctionner – mais celui d’un long et difficile processus décisionnel. Après des décennies à souffrir du Trouble dysphorique prémenstruel, et d’endométriose, j’ai demandé – supplié serait plus exact – à ma gynécologue qu’on retire mon utérus et mes ovaires. Pour moi, et pour beaucoup de femmes vivant avec ces conditions, cette intervention constituait mon dernier recours. Celui de la dernière chance.
Ma gynécologue a accepté. J’ai eu de la chance. La communauté médicale est généralement assez réticente à procéder à ce type d’intervention auprès des femmes vivant avec cette condition. Beaucoup se la font refuser.* Pour ma part, je n’ai pas eu à plaider ma cause bien longtemps. Ma gynécologue, qui m’accompagnait depuis déjà plusieurs années, avait été témoin des multiples et diverses tentatives que j’avais déployées pour aller mieux. Alors quand je me suis retrouvée dans sa salle d’examen, les larmes aux yeux, lui disant je n’en peux plus, je ne peux plus vivre ainsi, je suis au bout du rouleau, on a tout essayé, j’ai tout essayé, ça fait trop longtemps que je souffre, j’ai tout lu, tout exploré…s’il-vous-plait, je suis prête. ENLEVEZ-MOI CE @#$%?&*&? UTÉRUS et CES O@#$%?& d’OVAIRES !!! elle a acquiescé.
Ça semble simple dit comme cela. On s’imagine que la formule est basique: retrait des ovaires et de l’utérus = plus de menstruations, plus de douleur, plus de réactions extrêmes.
Mais le fait d’imposer une ménopause chirurgicale à son corps peut entraîner des effets secondaires assez indésirables, merci. Étant extrêmement sensible aux variations hormonales – l’un des attributs propres au TDPM – est-ce que je ne risquais pas, une fois mes ovaires retirés, de plonger dans l’enfer hormonal de la ménopause ? Ceci sans compter les nombreuses complications qui pouvaient survenir lors de l’opération…
Bref, bien que j’avais vu de nombreux témoignages de femmes exprimant leur gratitude infinie pour cette intervention qui les a libérées de l’enfer du TDPM ou de l’endométriose, j’étais aussi au courant des récits de celles qui avaient, au contraire, vu leur état s’empirer. Soit en raison de la baisse soudaine et drastique de leurs hormones, soit en raison de leur sensibilité à la prise d’hormones de remplacement.
Bref, je ne savais pas comment j’allais réagir à cette ménopause subite. J’avais un peu l’impression de décider de mon futur sur un coup de dés. En espérant que la chance soit de mon côté. Mais une fois la décision prise, j’ai fermé les yeux et me suis laissée porter.
Me voici donc. Un an et demi après mon intervention. Ménopausée.
– Est-ce que cela a vraiment sauvé ma vie ?
– Oui.
– Sérieux ??
– Oui.
Tout n’est pas parfait et il est encore tôt pour savoir comment mon corps réagira à long terme à cette ménopause. Mais je peux déjà affirmer que ma vie a drastiquement changé depuis. JE N’AI PLUS DE RÈGLES. PLUS DE DOULEURS INSUPPORTABLES. PLUS LE DÉSIR DE MOURIR À TOUS LES MOIS. PLUS DE SEMAINES ENTIÈRES AU LIT. PLUS BESOIN DE MES CULOTTES HIDEUSES. PLUS DE RAGE INCONTRÔLÉE. PLUS DE SENTIMENT D’ÊTRE INUTILE. PLUS DE FRINGALES…heuu ça c’est moins vrai…
Alors oui, étant donné l’état dans lequel je me trouvais avant l’opération, affaiblie par des décennies de TDPM et d’endométriose, je considère que cette intervention a sauvé ma vie.
Mais oui, je dois aussi composer avec tous les symptômes de la ménopause. Physiques, émotifs et symboliques. Plus d’utérus, c’est aussi dire au revoir à toute une partie de ma vie. À la femme « féconde ». À la partie qui a porté mes bébés. C’est faire avec la tristesse et le deuil. C’est aussi gérer la sécheresse vaginale et oculaire. Redéfinir ses rapports sexuels. Constater que sa peau est bien moins élastique qu’avant. Sentir ses fesses et ses seins tomber à une vitesse vertigineuse. Vivre avec des maux de tête et des bouffées de chaleur, surtout au lendemain du remplacement de la « patch » d’hormones de remplacement. Essayer de se souvenir de la maudite journée à laquelle vous aviez justement changé la fameuse patch. C’est de vivre avec des pertes de mémoire de plus en plus fréquentes. C’est parfois se sentir beaucoup plus vieille que son âge.
Ce n’est pas parfait. Mais c’est tellement mieux que c’était.
Je ne cherche évidemment pas à vous recommander de subir une intervention comme la mienne. Ni ne postule que l’hystérectomie-ovariectomie devraient êtes considérées comme faisant systématiquement partie du protocole de traitement du TDPM, d’endométriose, on d’un autre trouble gynécologique. Je ne cherche pas non plus à amoindrir les risques et les effets secondaires liés à une telle opération. C’est une chirurgie aux implications sévères.
Mais je peux certainement affirmer que je suis heureuse d’avoir été accompagnée par une gynécologue qui m’a laissé faire ce choix. Pour qui la connaissance de mon propre corps, de ma propre douleur, ont pesé dans la balance. Je déplore le fait que des femmes se voient refuser cette intervention alors qu’elles ont tout essayé. Tout tenté. Qui n’ont plus rien à perdre. Je déplore qu’un nombre de femmes qui ont fait le choix de ne pas avoir d’enfants se font refuser cette opération, qui pourrait améliorer la qualité de leur vie de façon substantielle, sous prétexte qu’elles sont trop jeunes pour vraiment savoir ce qu’elles veulent. La lutte contre le TDPM, l’endométriose, ou toute autre condition, est suffisamment douloureuse pour que nous ayons, en plus, à nous battre pour avoir le droit de mettre fin à notre cycle menstruel. De façon définitive. Je ne regrette rien…si ce n’est peut-être de ne pas l’avoir fait plus tôt.
Je suis par contre triste, et ébahie, de voir le peu d’intérêt la part du monde médical pour les conditions « hormonales » des femmes. Il me semble encore fou que l’on ait pas encore trouvé des alternatives efficaces, outre l’hystérectomie et l’ovariectomie, au TDPM et à l’endométriose. Mais ça , c’est pour un autre article…
* Plusieurs femmes vivant en Europe par exemple se plaignent de devoir se battre pendant des années pour obtenir une autorisation de la part d’un comité de spécialistes qui décideront de l’hystérectomie, ou non.